jeudi 15 juin 2006

Même si nous l’avons connue perdante

Diane Arbus

Nous savons que toutes les réalités nouvelles sont elles-mêmes provisoires et toujours trop peu pour nous suffire. Nous les défendons parce que nous ne nous connaissons rien de mieux à faire ; et parce que c’est, en somme, notre métier.
Mais l’indifférence ne nous est pas permise devant les étouffantes valeurs du présent ; quand elle sont garanties par une Société de prisons, et quand nous vivons devant les portes des prisons.
Nous ne voulons à aucun prix participer, accepter de nous taire, accepter.
Ne serait-ce que par orgueil, il nous déplaît de ressembler à trop de gens.
Le vin rouge et la négation dans les cafés, les vérités premières du désespoir ne seront pas l’aboutissement de ces vies si difficiles à défendre contre les pièges du silence, les cent manières de SE RANGER.
Au-delà de ce manque toujours ressenti, au-delà de l’inévitable et inexcusable déperdition de tout ce que nous avons aimé, le jeu se joue encore, nous sommes. Toute forme de propagande sera donc bonne.
Nous avons à promouvoir une insurrection qui nous concerne, à la mesure de nos revendications.
Nous avons à témoigner d’une certaine idée du bonheur même si nous l’avons connue perdante, idée sur laquelle tout programme révolutionnaire devra d’abord s’aligner.

Guy-Ernest Debord. « Pour en finir avec le confort nihiliste », Internationale lettriste, n° 3, août 1953.