vendredi 22 mai 2015

L’Alphabet est public, et chacun est le maître de s’en servir pour créer une parole, et la faire devenir son propre nom.

Jacques [Giacomo] Casanova de Seingalt, Histoire de ma vie, tome second, chapitre IX, folio 123r.

jeudi 21 mai 2015

dimanche 17 mai 2015

Pour chaque mot, pour chaque acte nous ferons naître un homme spécial


Mannequin néoclassique, Italie 1810, Comune di Bergamo Accademia Carrara.

Nous ne tenons pas, disait-il, à des ouvrages de longue haleine, à des êtres faits pour durer longtemps. Nos créatures ne seront point des héros de romans en plusieurs volumes. Elles auront des rôles courts, lapidaires, des caractères sans profondeur. C’est souvent pour un seul geste, pour une seule parole, que nous prendrons la peine de les appeler à la vie. Nous le reconnaissons avec franchise : nous ne mettons pas l’accent sur la durée ou la solidité de l’exécution, et nos créatures seront comme provisoires, faites pour ne servir qu’une fois. S’il s’agit d’êtres humains, nous leur donnerons par exemple une moitié de visage, une jambe, une main, celle qui sera nécessaire pour leur rôle. Ce serait pur pédantisme de se préoccuper du second élément s’il n’est pas destiné à entrer en jeu. Par-derrière, on pourrait tout simplement faire une couture, ou les peindre en blanc. Nous placerons notre ambition dans cette fière devise : un acteur pour chaque geste. Pour chaque mot, pour chaque acte nous ferons naître un homme spécial. Tel est notre goût, et ce sera un monde selon notre bon plaisir.

Bruno Schulz, « Traité des mannequins ou la seconde Genèse », Les Boutiques de cannelle, traduit du polonais par Thérèse Douchy, Georges Sidre et Georges Lisowski, éditions Denoël, 1974.