samedi 20 juin 2009

Le vide particulier de ces maisons d’écrivains



Il préférait être seul pour visiter la maison, seul pour errer à son gré dans les pièces silencieuses. Il traversa l’hypothèse d’un salon, le souvenir d’une chambre à coucher et contempla le grand vide, le vide particulier de ces maisons d’écrivains où l’absence se met en meubles, un vide triomphal immiscé entre la table et le fauteuil, entre les bibliothèques, les écritoires et les sous-main, le grand vide implacable et ironique qui broie en un rien de temps une poignée d’indices approximatifs patiemment réunis par de méticuleux archivistes, un vide qui ricane autour de la rame de papier qu’on a soigneusement posée sur la table, légèrement de biais pour faire plus vrai.

Nathalie Léger, Les Vies silencieuses de Samuel Beckett, Allia, 2006.