dimanche 3 août 2008

L’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même

À la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie, qu’ont exprimée tant de mots railleurs et tristes dans les cafés de la jeunesse perdue.

« Pour parler clairement et sans paraboles, — nous sommes les pièces d’un jeu que joue le ciel. — On s’amuse avec nous sur l’échiquier de l’Être, — et puis nous retournons un par un dans la boîte du Néant. »

[…] « Bernard, Bernard, disait-il, cette verte jeunesse ne durera pas toujours… »

Mais rien ne traduisait ce présent sans issue et sans repos comme l’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même, étant construite lettre par lettre comme un labyrinthe dont on ne peut sortir, de sorte qu’elle accorde si parfaitement la forme et le contenu de la perdition : In girum imus nocte et consumimur igni. Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu.

Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni, éditions Gérard Lebovici, 1990, éditions Gallimard, 1999.