mercredi 6 août 2008

La trace d'une fidélité dont nous nous croyons incapables



C'est sans doute parce que nous sommes rarement capables d'être fidèles à nos éblouissements, à ces moments de brusques apparitions de la certitude que nous aimons le récit des emportements irrémédiables de l'esprit (Blaise Pascal, Paul Claudel, Paul de Tarse ou Rancé, on se redit toujours les mêmes). Si nous voulons toujours connaître les lieux de l'action (tel pilier, tel chemin écarté), si nous aimons à en identifier les traces (le graphe maladroit d'une épiphanie, le papier froissé, cousu dans une doublure, la densité d'un silence), c'est moins pour avoir vue sur l'intimité de l'auteur que pour suivre de loin la trace d'une fidélité dont nous nous croyons incapables : après l'illumination, accepter de suivre le long et obscur chemin, se confier à l'aveuglante lumière de son obscurité.

Nathalie Léger, Les Vies silencieuses de Samuel Beckett, éditions Allia, 2006.