Comme je suis c’est-à-dire un limousin rustique, un campagnard pas déluré
[Lettre à André Bloc, sans date]
Cher Monsieur. Si vous parlez de moi dans votre revue, je tiendrais à ce que vous m’y disiez comme je suis c’est-à-dire un limousin rustique, un campagnard pas déluré, au langage grossier un campagnard qui est sale, crasseux, puant, rapiécé, toujours mal rasé, qui aime répandre du fumier et de la merde dans les champs et dans les écuries, et aussi qui aime les livres édités à la N.R.F, chez robert lafont et à la librairie Stock, la peinture de Picasso, les poésies de Lebesgue et celles de Paul Fort ;
Pour Au cas ou vous voudriez reproduire une photo de moi je vous en envoie une où je suis pris sur le vif à un table de restaurant au milieu d’amis. Prière de me retourner cette photo car je l’ai empruntée. Au dos de cette photo j’ai tracé un cercle à la plume autour de ma tête. On va voter de nouveau. Par içi ce sont les cléricaux qui sont élus ;
Les cléricaux se trouvaient dans un chemin plein d’ornières et assez sympathique mais les voilà maintenant sur une route bien empierrée mais recouverte de verglas et les rouges sont passés par là. A cause du sympathique chemin aux ornières certains hommes d’avant garde avaient naïvement cru devoir espérer dans Pétain, sans songer sans doute qu’il ne s’y éterniserait pas.
Les rouges ne sont pas sur la route confortable et sûr mais ils l’atteindront longtemps avant les cléricaux. Amitiés, bonne santé.
Gaston
p.s quoique [né] a avallon en Bourgogne je suis tout de même limousin puisque né de parents limousins n’ayant que des ancêtres limousins.
Gaston Chaissac, Homme de lettres, catalogue de l’exposition, École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris & Musée de La Poste, 2006.