mardi 15 septembre 2015

Ne faudrait-il pas écrire sans carnet ?
Si, mais j’ai beaucoup de plaisir à tenir mes carnets. J’y mets tout : ce qui me passe par la tête, ce que j’aime lire, des souvenirs, parce qu’ils foutent le camp. Quand on se rappelle quelque chose qu’on ne s’est pas rappelé depuis six mois, il faut stocker, surtout en vieillissant. Mais ce qui est embêtant, c’est qu’une fois stocké, le souvenir le sait et il s’en va définitivement. Nabokov dit que la mémoire ne stocke que ce qu’elle sait n’être stocké nulle part ailleurs. Si elle sait que vous l’avez marqué quelque part, elle l’éponge.

Pierre Michon, Le roi vient quand il veut, Albin Michel, 2007.