samedi 15 juillet 2006

Ni les extrêmes sans espérance, ni les amours brutaux, ni les sévérités âpres

Rien ne nous plaît que le combat, mais non pas la victoire : on aime à voir les combats des animaux, non le vainqueur acharné sur le vaincu ; que voulait-on voir, sinon la fin de la victoire ? Et dès qu’elle arrive, on en est saoul. Ainsi dans le jeu. Ainsi, dans la recherche de la vérité, on aime à voir, dans les disputes, le combat des opinions ; mais, de contempler la vérité trouvée, point du tout ; pour la faire remarquer avec plaisir, il faut la faire voir naître de la dispute. De même, dans les passions, il y a du plaisir à voir deux contraires se heurter ; mais, quand l’une est maîtresse, ce n’est plus que brutalité. Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses. Ainsi, dans les comédies, les scènes contentes, sans crainte, ne valent rien, ni les extrêmes sans espérance, ni les amours brutaux, ni les sévérités âpres.

Blaise Pascal, Pensées (1670).