dimanche 22 mai 2011

« Finir dans le journal »

« Finir dans le journal » représentait pour nos vieillards l’un des pires malheurs, une véritable honte. L’indétermination de l’expression n’était pas due au hasard ; elle en étendait la signification bien au-delà de l’évidente référence aux faits divers sanglants, pour en faire quelque chose d’absolu. Le même sentiment de répulsion, à peine nuancé, frappait le criminel et la victime, le protagoniste d’un scandale et le personnage à succès, et plus que tout autre celui qui mettait volontairement son nom dans le journal : le journaliste. Le mot fama conservait encore l’acception négative qu’il avait en latin. Selon l’opinion commune, on ne pouvait pas être en même temps « comme il faut » et célèbre (famoso). Le métier de journaliste était considéré comme à peine moins infamant que la prostitution. La rudesse de nos vieillards était parfois dotée d’un flair infaillible.

Piergiorgio Bellocchio, Nous sommes des zéros satisfaits, précédé de Limiter le déshonneur, traduit de l’italien par Jean-Marc Mandosio, éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 2011.