vendredi 28 juillet 2006

Un jour ou deux, en juillet



On n’est pas seul ni libre ni également disponible. On est comptable d’une histoire. Il existe quelque part un grand registre immatériel mais non pas irréel où nous avons à reporter les choses auxquelles on s’est trouvé mêlé sous peine de n’être jamais quitte, de rester à soi-même une énigme, dolent et sombre, en butte à la mélancolie. Les deux premières générations du siècle qui s’achève ont été empêchées de tracer la mention adéquate dans la colonne appropriée. On ne refait pas le passé. Il ne nous est pas permis d’y revenir par corps. Mais notre esprit le peut et il n’est pas indifférent de savoir exactement ce qui nous manque, dont nous portions la place en creux. On possède alors une certitude négative ainsi qu’un jour ou deux, en juillet, pour retrouver l’endroit où elle persiste et nous appelle, où il suffit de revenir pour être heureux.

Pierre Bergounioux, « Un jour ou deux, en juillet », L'Humanité, 26 août 1999.