dimanche 26 octobre 2014

Il pleuvait dans leurs têtes des coups insatiables

Le peu de chemin qu’il leur restait à faire, ils en firent la plus grande partie en silence, tantôt exposés à la pleine fureur des vents, tantôt par des zones calmes. Mercier essayait d’embrasser dans leur plénitude les conséquences pour eux de ce qui s’était produit, et Camier essayait de trouver un sens à la phrase qu’il venait d’entendre. Mais ils n’arrivaient pas, Mercier à concevoir leur bonheur, Camier à mener son exégèse à bien, car ils étaient fatigués, ils avaient besoin de dormir, le vent les faisait chanceler et, pour comble de désagrément, il pleuvait dans leurs têtes des coups insatiables.

Samuel Beckett, Mercier et Camier (1946), éditions de Minuit, 1970.