lundi 13 octobre 2014

En 1938, Ödön von Horváth a trente-sept ans

En 1938, Ödön von Horváth a trente-sept ans. Il ne grandit plus qu’en largeur et mesure un mètre quatre-vingt-quatre. C’est un auteur dramatique à succès. Ses pièces les plus connues sont Légendes de la forêt viennoise, La Nuit italienne et Don Juan revient de guerre. Fuyant l’Allemagne nazie, il quitte l’Europe, traverse l’Autriche, la Hongrie, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, l’Italie et la Suisse. De Zurich, il gagne Bruxelles où une Gitane lui lit les lignes de la main ; un coup de théâtre l’attend à Paris. Il a rendez-vous avec un cinéaste qui veut porter à l’écran son roman Jeunesse sans Dieu. Au Quartier latin, il loge à l’hôtel de l’Univers, une modeste pension. Ce 1er juin est étouffant. Von Horváth descend les Champs-Élysées. En fin d’après-midi, un violent orage éclate. Il s’abrite dans les bosquets. Un marronnier centenaire s’affale, blesse plusieurs passants et tue sur le coup l’écrivain au crâne fendu par une branche. Cette fin tragique illustre au mot près l’épilogue du Pays natal (1927) : « Ce qui est vermoulu doit s’effondrer et si moi-même j’étais vermoulu, je m’effondrerais et je crois que je ne verserais aucune larme. »

Patrick Roegiers, La traversée des plaisirs, Grasset, 2014.