mardi 20 juin 2006

Qui voit les rives de la Seine voit nos peines

Eugène Atget

Qui voit les rives de la Seine voit nos peines : on n’y trouve plus que les colonnes précipitées d’une fourmilière d’esclaves motorisés. L’historien Guichardin, qui vécut la fin de la liberté à Florence, a noté dans son Memento : « Toutes les cités, tous les États, tous les royaumes sont mortels ; toute chose soit par nature soit par accident un jour ou l’autre arrive à son terme et doit finir ; de sorte qu’un citoyen qui voit l’écroulement de sa patrie n’a pas tant à se désoler du malheur de cette patrie et de la malchance qu’elle a rencontrée cette fois ; mais doit plutôt pleurer sur son propre malheur ; parce qu’à la cité il est advenu ce qui de toute façon devait advenir, mais le vrai malheur a été de naître à ce moment où devait se produire un tel désastre ».

Guy Debord, Panégyrique, tome premier, Éditions Gérard Lebovici, 1989, Gallimard, 1993.