mercredi 14 juin 2006

Faire passer



En tant que tel ou tel, évidemment, chacun de nous existe déjà. Mais personne n’est ce qu’il dit, encore moins ce qu’il représente. De naissance, en réalité, tous n’étaient pas trop de chose, au contraire, pour ce qu’ils sont devenus. Plus tard, ils s’habituent à vivre dans leur peau, la peau où ils sont logés, où on les a logés surtout, par leur métier ou autrement. Un garçon avait trouvé un miroir, un jour, dans un pays lointain, il n’en avait jamais tant vu. Il ramassa le morceau de verre, le regarda et le tendit à son ami : « Je ne savais pas que c’était à toi », dit-il. Mais le visage n’appar­tenait pas non plus à l’autre, joli garçon, pourtant.

Ernst Bloch, Traces, traduit de l'allemand par Pierre Quillet & Hans Hildebrand, Gallimard, 1968.