lundi 2 mars 2015

Il n’y aurait pas de trompettes pour réveiller les morts

Durant tout ce long et chaud après-midi, pendant que je transpirais dans ma chaise longue au bord de la piscine, la voix d’une femme passait de temps à autre dans le haut-parleur pour annoncer à l’un de nous qu’il avait un appel.
« Téléphone pour Monsieur Stump. »
« Téléphone pour Madame Florio. »
« Téléphone pour Monsieur Messer. »
Les appelés, comme s’ils avaient ainsi été ramenés à la vie, sortaient de leur léthargie et se levaient pour aller répondre. Aucun d’entre eux ne revenait ensuite s’allonger parmi nous. Ils étaient sauvés. Nous autres, les damnés, ceux qu’on n’appelait pas, restaient pour cuire dans cette chaleur terrible.
Peut-être, me dis-je, le Jugement dernier ressemblerait-il à ça. Il n’y aurait pas de trompettes pour réveiller les morts. Mais des coups de téléphone. Soit vous seriez appelé, soit vous ne le seriez pas.

Steve Tesich, Karoo, traduit de l'américain par Anne Wicke, éditions Monsieur Toussaint Louverture, 2012.