mardi 2 mai 2023

Générosité espagnole

Par un Espagnol de mes amis, le roi d’Espagne m’a fait donner trois gros diamants sur une chemise, une collerette de dentelle sur une veste de toréador, un portefeuille contenant des recommandations sur la conduite de la vie. Voitures ! boulevards, visites chez des amis : la bonne couchera-t-elle avec moi ? M. S. L. a tendu la main à G. A. qui la lui a refusée sans motifs. Je suis raccommodé avec les Y... Or, voici qu’à la Bibliothèque Nationale je m’aperçois que je suis surveillé. Quatre employés s’avancent vers moi avec une épée de poupée chaque fois que je cherche à lire certains livres. Enfin un tout jeune groom s’avance : « Venez ! » me dit-il. Il me montre un puits caché derrière les livres ; il me montre une roue de planches qui a l’air d’un instrument de supplices : « Vous lisez des livres sur l’Inquisition, vous êtes condamné à mort ! » et je vis que sur ma manche on avait brodé une tête de mort : « Combien ? dis-je. – Combien pouvez-vous donner ? – Quinze francs. – C’est trop, dit le groom. – Je vous les donnerai lundi. » La générosité du roi d’Espagne avait attiré l’attention de l’Inquisition. 

 

Max Jacob, Le Cornet à dés, 1917.