jeudi 6 novembre 2014

Opaca secreta (2)

Ergo igitur cum in isto cogitationis salo fluctuarem aliquanto longius frondosi nemoris convallem umbrosam, cuius inter varias herbulas et laetissima virecta fungentium rosarum mineus color renidebat. Iamque apud mea usquequaque ferina praecordia Veneris et Gratiarum lucum illum arbitrabar, cuius inter opaca secreta floris genialis regius nitor relucebat. Tunc invocato hilaro atque prospero Eventu cursu me concito proripio, ut hercule ipse sentirem non asinum me verum etiam equum currulem nimio velocitatis effectum. Sed agilis atque praeclarus ille conatus fortunae meae scaevitatem anteire non potuit. Iam enim loco proximus non illas rosas teneras et amoenas, madidas divini roris et nectaris, quas rubi felices beatae spinae generant, ac ne convallem quidem usquam nisi tantum ripae fluvialis marginem densis arboribus septam video. Hae arbores in lauri faciem prolixe foliatae pariunt in odor) modum floris [inodori] porrectos caliculos modice punicantes, quos equidem flagrantis minime rurestri vocabulo vulgus indoctum rosas laureas appellant quarumque cuncto pecori cibus letalis est.

Apuleius, Metamorphoseon libri XI, liber IV.


Tandis que je me perdais dans un océan de réflexions, je crus voir à quelque distance un vallon boisé, formant un épais ombrage. De loin, mes yeux étaient réjouis d'une délicieuse verdure, émaillée de mille fleurs, parmi lesquelles tranchait vivement l'incarnat de la rose. (2) Mon imagination n'était pas encore abrutie: aussi se peignit-elle soudain le bocage favori de Vénus et des Grâces, et, sous son mystérieux feuillage, la fleur consacrait à la déesse s'épanouissant dans tout son éclat royal. (3) Invoquant donc le dieu du Succès, je pars au galop, avec la vitesse, non plus d'un âne, mais d'un cheval de course lancé à fond de train. (4) Vain effort ! rien ne servait contre ma mauvaise fortune. (5) J'approche ; adieu les roses ! adieu ces tendres et délicates fleurs, arrosées de nectar et d'ambroisie! adieu le divin buisson et ses mystiques épines! adieu même le vallon ! (6) Je ne vois plus que l'encaissement d'une petite rivière, bordée d'une rangée d'arbres touffus, (7) de ces arbres à feuilles oblongues, imitant celles du laurier, et dont la fleur au calice allongé, d'un rouge pâle, (8) et complètement inodore, n'en a pas moins usurpé dans le rustique vocabulaire le nom de laurier-rose. C'est pour tout animal une nourriture mortelle.

Apulée, L’Âne d'or ou les Métamorphoses, livre IV, traduit du latin sous la direction de Désiré Nisard, Paris, 1865.