samedi 22 août 2009

La sottise va toujours de l'avant



L’inintelligence s’en tient, si l’on veut, à un constat de non-compréhension: elle ne réussit pas à capter un certain nombre de messages. Elle reste coite, silencieuse. Aucun rapport avec la sottise qui reçoit et émet un nombre infini de messages. La sottise est de nature interventionniste : elle ne consiste pas à mal ou à ne pas déchiffrer, mais à continuellement émettre. Elle parle, elle n’a de cesse d’en « rajouter ». L’intelligence subit, la sottise agit : elle garde toujours l’initiative. L’inintelligence est en retrait, se dérobe à un message auquel elle n’entend rien ; la sottise, elle, va toujours de l’avant. L’inintelligence n’est qu’un refus, ou plutôt une impossibilité de participation ; la sottise se manifeste, au contraire, par un perpétuel engagement. L’inintelligence ferme des portes : elle signale l’interdiction de certaines voies d’accès à telle ou telle connaissance, rétrécissant ainsi le champ de l’expérience. La sottise ouvre à tout : faisant de n’importe quoi un objet d’attention et d’engagement possible, elle fournit de l’occupation pour la vie.

Clément Rosset, Le Réel et son double, Paris, éditions de Minuit, 1977.