mardi 8 juillet 2008

La vase est remuée

Mon existence, comme un marais dormant, est si tranquille que le moindre événement y tombant y cause des cercles innombrables, et la surface ainsi que le fond est longtemps avant de reprendre sa sérénité ! Les souvenirs que je rencontre ici à chaque pas sont comme des cailloux qui déboulent, par une pente douce, vers un grand gouffre d’amertume que je porte en moi. La vase est remuée ; toutes sortes de mélancolies, comme des crapauds interrompus dans leur sommeil, passent la tête hors de l’eau et forment une étrange musique ; j’écoute. Ah ! comme je suis vieux, comme je suis vieux, pauvre chère Louise !

Gustave Flaubert, lettre à Louise Colet, 14 août 1858.