mercredi 1 janvier 2014

L’année ne commence jamais

On a fait croire aux enfants et même aux adultes que l’année commence le 1er Janvier… Ce n’est pas vrai ! L’année ne commence jamais. Prenez un poignard catalan et, avec la pointe de cette arme dangereuse, tracez un cercle exact sur une plaque de beurre bien lisse. Cela fait, demandez à une personne instruite et diplômée de vous indiquer le point où ce cercle commence. Elle en sera incapable. Eh bien, il est tout aussi difficile de découvrir le moment où commence l’année nouvelle.
En 1922, j’ai retrouvé les notes que mes fournisseurs m’avaient envoyées en 1921 ; j’ai retrouvé également mes rhumatismes de l’année précédente ; et le caractère de ma fidèle Mélanie ne s’est pas renouvelé. L’année nouvelle n’est pas autre chose que l’année ancienne qui continue.
Dans toutes nos villes, un Conseil municipal facétieux fait sonner à toute volée les cloches le 31 décembre, à minuit. C’est une plaisanterie qui réussit chaque fois. En entendant le vacarme auguste et solennel, l’homme croit qu’une année vient de mourir, et très ému, il embrasse la première femme qui lui tombe sous la main.
Au moment où l’année nouvelle commence, les personnes bien élevées (et les autres aussi) sont occupées à manger et à boire de bonnes choses. Elles ont raison, car il ne faut pas entrer dans l’avenir le ventre vide. Mais puisqu’on ne peut pas être sûr de la date initiale, on fera bien de recommencer chaque jour.
Courage ! car la route sera longue.

Henri Roorda [van Eysinga], Almanach Balthazar, dans Œuvres complètes, L'Âge d'homme, 1970.