mercredi 18 août 2010

Nos actes s’inscrivent dans notre petit monde autrement que nous l’avions voulu

Morte l’enfance, l’amour resta, aussi fort mais désolé. À ses amis, sûr de ne jamais retrouver l’intimité rompue, il ne savait que demander : tout et rien; quelquefois trop, d’autres fois pas assez. Il passait vite de l’exigence au désintérêt, non sans souffrir de ces échecs qui confirmaient son exil. Malentendus, refroidissements, séparations aux torts réciproques : la vie privée lui avait enseigné déjà que nos actes s’inscrivent dans notre petit monde autrement que nous l’avions voulu et nous font autres que nous n’étions, en nous prêtant après coups des intentions que nous n’avions pas et que désormais nous aurons eues.

Jean-Paul Sartre, « Merleau-Ponty vivant », Les Temps modernes, octobre 1961.