jeudi 25 février 2010

Toujours ils trouveront pour eux-mêmes un nom plus modeste

Choisir ses fréquentations. — Est-ce trop demander que de vouloir rechercher la fréquentation d’hommes qui sont devenus agréables au goût et nourrissants comme les châtaignes que l’on a mises au four à temps et retirées du feu au bon moment ? D’hommes qui attendent peu de la vie et préfèrent accepter celle-ci en cadeau plutôt que de la mériter, comme si les oiseaux et les abeilles la leur avaient apportée ? D’hommes qui sont trop fiers pour pouvoir se sentir jamais récompensés ? Et trop sérieux dans leur passion de la connaissance et de la droiture pour avoir le temps et la complaisance de la gloire ? — Nous appelons philosophes de pareils hommes, et toujours ils trouveront pour eux-mêmes un nom plus modeste.

Friedrich Nietzsche, Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux, § 482, traduction de l’allemand par Henri Albert, revue par Angèle Kremer-Marietti, Librairie générale française, Livre de poche, 1995.