samedi 23 mai 2009

Messe ocus Pangur Bán / Pangur le blanc, mon chat, et moi



Messe ocus Pangur Bán,
cechtar nathar fria saindan:
bíth a menmasam fri seilgg,
mu memna céin im saincheirdd.

Caraimse fos (ferr cach clu)
oc mu lebran, leir ingnu;
ni foirmtech frimm Pangur Bán:
caraid cesin a maccdán.

O ru biam (scél cen scís)
innar tegdais, ar n-oendís,
taithiunn, dichrichide clius,
ni fris tarddam ar n-áthius.

Gnáth, huaraib, ar gressaib gal
glenaid luch inna línsam;
os mé, du-fuit im lín chéin
dliged ndoraid cu ndronchéill.

Fuachaidsem fri frega fál
a rosc, a nglése comlán;
fuachimm chein fri fegi fis
mu rosc reil, cesu imdis.

Faelidsem cu ndene dul
hi nglen luch inna gerchrub;
hi tucu cheist ndoraid ndil
os me chene am faelid.

Cia beimmi a-min nach ré
ni derban cách a chele:
maith la cechtar nár a dán;
subaigthius a óenurán.

He fesin as choimsid dáu
in muid du-ngni cach oenláu;
du thabairt doraid du glé
for mu mud cein am messe.


Moine irlandais anonyme, VIIIe siècle, Reichenauer Schulheft, Codex 86a/1), Stift Sankt Paul, Levanttal, Autriche.


Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 0013, f. 267v

Each of us pursues his trade,
I and Pangur my comrade,
His whole fancy on the hunt,
And mine for learning ardent.

More than fame I love to be
Among my books and study,
Pangur does not grudge me it,
Content with his own merit.

When ­ a heavenly time! ­ we are
In our small room together
Each of us has his own sport
And asks no greater comfort.

While he sets his round sharp eye
On the wall of my study
I turn mine, though lost its edge,
On the great wall of knowledge.

Now a mouse drops in his net
After some mighty onset
While into my bag I cram
Some difficult darksome problem.

When a mouse comes to the kill
Pangur exults, a marvel!
I have when some secret's won
My hour of exultation.

Though we work for days and years
Neither the other hinders;
Each is competent and hence
Enjoys his skill in silence.

Master of the death of mice,
He keeps in daily practice,
I too, making dark things clear,
Am of my trade a master.

Traduit du vieil irlandais par Frank O’Connor.

Pangur le blanc, mon chat, et moi,
Nous avons une tâche semblable.
La chasse aux souris est son délice,
A la chasse aux mots je me livre toute la nuit.

Bien plus que la renommée des hommes,
J’aime m’asseoir avec un livre et un stylet.
Pangur ne me montre aucune mauvaise volonté,
Lui aussi exerce son art simple.

C’est chose plaisante de voir
Combien nous sommes heureux à nos tâches
Quand nous sommes assis au logis
Et que nous trouvons de quoi divertir nos esprits.

Souvent, une souris vient s’égarer
Sur le passage du héros Pangur ;
Souvent ma pensée affûtée
Prend un sens dans ses filets.

Vers le mur il dirige son œil
Droit, farouche, perçant et rusé ;
Contre le mur de la connaissance
J’éprouve mon peu de sagesse.

Quand une souris sort de sa tanière,
Comme Pangur est heureux !
Quelle joie j’éprouve
Quand je résous les doutes que j’aime !

Ainsi en paix, nous jouons à nos travaux,
Pangur le blanc, mon chat, et moi.
Dans nos arts nous trouvons notre bonheur,
J’ai le mien et lui le sien.

Une pratique quotidienne a rendu
Pangur parfait dans son métier ;
Je cherche la sagesse jour et nuit
Faisant de l'obscurité lumière.

Traduction (médiocre) de Laurence Bobis (Une histoire du chat de l’Antiquité à nos jours, Fayard, 2000, Le Seuil, Points histoire, 2006) d’après la traduction anglaise de Robin Flower (The Irish Tradition, Oxford, 1947).