samedi 8 mars 2008

On pourrait être sincère, sans dire toute la vérité ; on pourrait, sans mentir, ne pas la dire toute


109. La réserve n’est pas un moyen terme entre la vérité et le mensonge car entre ces deux termes, il n’y a rien. Elle ne s’oppose pas, ni à la vérité, ni à la sincérité – mais à la franchise. « Entre la véracité et le mensonge il n’y a pas de milieu, tandis qu’il en existe un entre la franchise qui consiste à tout dire et la réserve qui consiste à ne pas dire en exprimant sa pensée toute la vérité bien que l’on ne dise rien qui ne soit pas vrai. » (Kant) Elle me contraint à penser que l’on pourrait être sincère, sans dire toute la vérité ; que l’on pourrait, sans mentir, ne pas la dire toute.

(...)

113. Tel est l’« enseignement » que Maria von Herbert reçoit de Kant. « Le défaut de sincérité est une corruption de la façon de penser et un mal absolu. Celui qui n’est pas sincère dit des choses dont il sait pertinemment qu’elles sont fausses ; dans la Doctrine de la vertu cela s’appelle « le mensonge ». Aussi inoffensif soit-il, il n’est pas pour autant innocent ; bien plus, il porte gravement atteinte au devoir qu’on a envers soi-même, et qui est absolument irrésistible parce que sa transgression abaisse la dignité humaine dans notre propre personne et attaque notre manière de penser à la racine ; en effet, la tromperie sème partout le doute et le soupçon, et ôte à la vertu elle-même la confiance qu’elle inspire dès lors qu’il faut la juger d’après ses apparences. »

Hélène Frappat, Sous réserve, éditions Allia, 2004.