samedi 30 octobre 2010

Occhiacci di legno



— Occhiacci di legno, perché mi guardate?
Nessuno rispose.

Carlo Collodi, Pinocchio, 1881-1883.

jeudi 28 octobre 2010

Tchou-p’ing Man apprit le métier de dépeceur de dragons



Tchou-p’ing Man apprit le métier de dépeceur de dragons auprès d’un invalide appelé Yi le Difforme. Il lui versa une somme de mille pièces d’or. Au bout de trois ans, il avait acquis la parfaite maîtrise de cet art ; mais celui-ci se révéla parfaitement inutile.

[Tchouang-Tseu,] Les Œuvres de Maître Tchouang, chapitre XXXII, traduit du chinois par Jean Levi, Paris, éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 2006.

mercredi 13 octobre 2010

Les véritables chaînes sont celles de nos affects et de nos désirs

sa vie passionnelle s’impose à l’homme et il y est enchaîné, pour le meilleur et pour le pire, au hasard des rencontres réjouissantes ou attristantes dont lui manque toujours le fin mot, c’est-à-dire la compréhension par les causes réelles. Bien sûr, Spinoza écrit une Éthique, et trace une trajectoire de libération — qu’il ne revient, au demeurant, à aucune résolution dérisoire d’emprunter. Mais peu nombreux sont les émancipés — en a-t-on seulement jamais rencontré un ? Pour le lot commun, le titre de la quatrième partie de l’Éthique annonce la couleur sans ambiguïté : De la servitude humaine, ou de la force des affects. Et la première phrase de sa préface de même : « J’appelle Servitude l’impuissance humaine à diriger et à réprimer les affects ; soumis aux affects, en effet, l’homme ne relève pas de lui-même mais de la fortune... » L’ordre fortuit des rencontres et des lois de la vie affective au travers desquelles ces rencontres (affections) produisent leurs effets font de l’homme un automate passionnel. Évidemment, toute la pensée individualiste-subjectiviste, construite autour de l’idée de la volonté libre comme contrôle souverain de soi, projette en bloc et avec la dernière énergie ce verdict d’hétéronomie radicale. c’est bien ce rejet qui s’exprime, par anticipation chez La Boétie, par quasi-incorporation chez les contemporains, dans l’idée de « servitude volontaire » puisque, hors la contrainte dure de la soumission physique, on ne saurait se laisser attaché qu’en l’ayant peu ou prou « voulu » — et quelque mystérieux que soit voué à demeurer ce vouloir. Contre cette insoluble aporie, Spinoza propose un tout autre mécanisme de l’aliénation : les véritables chaînes sont celles de nos affects et de nos désirs. La servitude volontaire n’existe pas. Il n’y a que la servitude passionnelle. Mais elle est universelle.

Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, éditions La Fabrique, 2010.